dimanche 15 novembre 2009

Pourquoi la chute du marche de la musique va désormais s'accélérer... Suite et fin.

A l'issue du papier "Pourquoi la chute du marche de la musique va désormais s'accélérer"..., nombreux ont été ceux qui se sont exprimés, parfois avec une certaine virulence, directement sur le blog, un peu sur facebook, mais surtout en envoyant directement  leurs commentaires dans la boite mail de l'auteur, pour ceux qui la connaissaient.
Certains arguments faisaient beaucoup de sens, tandis que d'autres étaient clairement tendancieux, voire de mauvaise foi. Il nous a donc semblé intéressant de résumer les points de désaccord les plus marqués, pour continuer le débat et tenter de parvenir à un consensus plus élaboré. C'est l'idée des 11 points qui suivent. 10 reprennent ceux de du post, et un onzième fait la synthèse. 





1) Concernant "la chute du marché physique va s'accélerer". C'est sans surprise le seul sur lequel vous avez été tous unanimes. La plupart d'entre vous font d'ailleurs observer que cela fait déja des années qu'ils n'ont pas acheté un CD. Petite surprise cependant, le retour du Vinyl, qui a cru de.... 310% entre 2001 et 2008 en Angleterre... Il est vrai qu'à 340M de £ en 2008, cela reste un petit marché. 


2) Concernant 'Itunes a mangé son pain blanc'. Il s'agit clairement un point contreversé.  Mais ce qui semble surprenant, c'est la conviction de beaucoup d'internautes que la position dominante d'Itunes est bien assurée. Il nous semble étonnant de ne pas prendre en compte que ce qui a été fait en cinq ans ne pourrait être défait dans le même temps, voir moins. La notion de possession de la musique (les fichiers sont sur mon disque dur, donc ils sont à moi) semble également être un argument de faible poids. D'ici peu, on oubliera même qu'on stockait la musique en local. Certes, il ne faut pas être prisonnier d'une offre de streaming et il sera impératif que l'on puisse exporter ses playlists (en xml par exemple), mais c'est une idée qui fait son chemin, de ce que j'en sais.  
La pseudo dépendance des terminaux avec ITunes ne me semble pas un argument. Ce fut vrai un court moment avec les Ipods -et la DRM Fairplay-. Deezer et Spotify s'affranchissent brillamment de cette contrainte. 
Il est également surprenant de constater que beaucoup contestent les prix élevés des CD (physiques), mais que le prix élevé des titres sur Itunes (qui pourtant n'a que peu de coûts logistiques...) semble acceptable...


3) Concernant "On va enfin parler de musique mobile". C'est un argument qui est contesté sur le plan technique. Les réseaux ne supporteraient pas un usage massif. Or, pour avoir pas mal travaillé sur le sujet, il est très difficile d'affirmer cela. A priori, les réseaux sont à même de supporter un niveau de débit sensiblement supérieur à l'usage que nous en faisons actuellement. Il ne faut pas oublier que l'infrastructure UMTS a au départ été conçue avec l'idée qu'une part non négligeable des abonnés feraient des video-calls ; usage qui ne s'est finalement pas concrétisé. La musique nécessitant environ 8 fois moins de bande-passante qu'un video-call, cela ne semble donc pas être une difficulté incontournable. Sans compter du fait que le HSDPA (la 3,5G) est en déploiement rapide (avec 2Mb en descendant !), que les réseaux micro-cellulaires devraient permettre d'augmenter encore la capacité. Il est ainsi difficile de douter du fait que l'expérience de musique mobile va exploser à court terme, y compris dans les pays émergents. 


4) Concernant "le MP3 va réellement commencer à disparaitre dès 2010". C'est une vraie satisfaction d'observer que personne ne conteste vraiment ceci. Des journalistes américains et Brésilien ont d'ailleurs repris cette note. Il est heureux que cette disparition intervienne, permettant ainsi de faire émerger de nouveaux standards, sensiblement plus performants en ce qui concerne l'expérience artistique.
En revanche, nombreux sont ceux qui doutent que le streaming puisse devenir dominant. Cette notion (un peu grégaire, il faut l'avouer non?) de 'possession' des fichiers MP3 semble tenir fortement à coeur de certains ! Les auteurs de ce papier prennent  les paris à cinq contre un. Reste à trouver un arbitre fiable.



5) Concernant "le P2P va peu à peu s'effacer". C'est de loin le point qui a été le plus contesté. Il semblerait que parmi nos lecteurs, beaucoup soient des adeptes de cette technologie. Il est pourtant difficile de contester son déclin, constaté par de nombreuses études. Les ISP eux même confirment que le trafic issue du P2P est en nette baisse.  Quand à son efficacité, les doutes exprimés lors de notre post initial peuvent être renouvelés : sur Limewire, en tapant "Dance" et "Prince", entre l'instant d'envoi de la requête et le début de l'écoute d'un titre, il nous a fallu six minutes (avec un abonnement ADSL 30Mb) avant de commencer à écouter un titre improprement encodé (128kb en MP3). Ca marche certes, mais ça n'est en rien comparable à une plateforme de streaming qui offre une qualité de 256Kb ou plus, et une écoute instantanée. 


7) Concernant "Il y aura plusieurs plateforme gagnantes". Encore une fois, il est étonnant de voir à quel point le joug de Itunes semble être perçu comme une fatalité, pour le siècle à venir. Peu d'entre vous imaginent que les lignes de front puissent être enfoncées et qu'un ou plusieurs autres challengers prennent cette (ces) place enviée. Pourtant, une erreur de stratégie aussi simple que celle qui consiste à ne pas passer au "all you can eat" et au streaming pourrait bien leur être fatal. Mais encore une fois, ne présupposons pas que le vers soit nécessairement dans le fruit... Il est clair qu'historiquement, Apple a fait preuve d'une capacité de réaction remarquable. 


8) Concernant "L'échange de playlist va largement se populariser". Il importe de préciser que les playlists s'échangent pour l'instant dans une logique fermée. Votre serviteur a récemment suggéré au management de Spotify et de Deezer d'adopter le xml comme standard d'échange de  playlists, ce qui est déja le cas de Itunes.



9) Concernant "De nouvelles expériences musicales vont émerger". Evidemment, le moins que l'on puisse dire c'est que tout le monde ne suit pas notre conviction que le mxp4 puisse devenir un format de prédilection. Pourtant de nouveaux développements devraient être révélés en 2010, qui devraient pousser les septiques à revoir leur jugement. 


10) Concernant "le marché de la musique va recommencer à croitre en Europe dès 2011". 

C'est pour le moins un point contesté ! Beaucoup d'internautes entendent ici "les majors vont à nouveau vivre grassement sur le dos des internautes et des artistes". Le fait est que toute la croissance du marché devrait être tirée par une nouvelle catégorie d'acteurs, petits labels, start-up internet... Les majors n'ayant -à notre sens- de toute façon plus de structures adaptées à ce nouveau monde. 
La question du prix est évidemment très présente dans vos réactions. Or, un calcul assez simple, montrant que si la moitié des foyers français payaient seulement 4,5 euros par mois pour une offre de musique exhaustive, le marché français serait à nouveau en nette croissance. C'est d'ailleurs le point que nous avions défendu auprès de la commission Internet et Création : plus qu'une logique répressive, la mise en avant d'offres compétitives, et économiquement accessibles. 


Et 11) En synthèse... Le point le plus notable nous semble être ce sentiment très fort, qu'un nombre assez significatif d'entre vous expriment, concernant la gratuité de la musique. 200 ans après la déclaration des droits de l'homme, il semble que l'accès libre et gratuit à la musique, voire plus largement à tous contenus,  soit à présent également considéré comme un droit fondamental. 
La notion de licence globale est revenue (par email) à deux reprises ; il semble important de rappeler qu'elle pose des problèmes de Droit assez structurel. La France et l'Europe sont signataires de nombreux accords (GATT, OMC...) sur le respect de la propriété intellectuelle (1), qui -à priori- rendent particulièrement difficile la mise en oeuvre de cette idée. 
A ce titre, Hadopi en prend pour son grade. Il est vrai que les obstacles semblent nombreux avant que cette loi puisse être mise en oeuvre efficacement, si elle l'est. Il n'en reste pas moins vrai qu'il est hypocrite de soutenir que la loi est inique car opérée par des serveurs. Les radars automatiques n'ont aucune modération humaine et malgré tout le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat et la Cour de Justice Européenne ne les ont pas remis en cause. 


Romualdo, avec la participation de Babgi. 




(1) sur ce sujet et plus globalement un article écrit dans le Figaro, et reproduit par invention.ch, résumant plus largement les enjeux de la propriété intellectuelle et artistique. 


NB : vos avis sont bienvenus, la courtoisie et la retenue les rendent encore plus pertinents.




6 commentaires:

Sylvain a dit…

Il n'a pas fallu attendre que mon serviteur suggère le XML comme format d'échange, le XSPF existe depuis longtemps :) En revanche, qu'ils ne l'aient pas adopté, à mon avis, est pour une raison concurrentielle

Et Spotify a une API (non web)

Philippe DUPUIS aka WEBENTERTAINER a dit…

Moi je suis d'accord avec la plupart des points :

1/ je ne connais quasiment plus personne qui achète des disques

2/ Si la marque Itunes reste forte, l'expérience utilisateur de ce site marchand reste grandement à améliorer, donc sa position dominante peut tout à fait se défaire aussi rapidement qu'elle s'est faite

3/ La musique sur mobile va, j'en suis persuadé, devenir dominante. Du lecteur mp3 chargé via Itunes, on se dirige au fur et à mesure de l'équipement de la population en smartphones vers la musique sur mobile via des applis telles que DEEZER, SPOTIFY ou d'autres qui arrivent

4/ le mp3 présente des limites, c'est incontestable

5/ l'expérience utilisateur s'améliorant via les services de streaming et par l'usage du mobile, le P2P va forcément diminuer

7/ Itunes a dominé grâce à d'énormes campagnes de communication liées au Ipod, personne ne pourra désormais en faire autant donc il y a peu de chances qu'un seul leader domine désormais le marché et ses nouveaux usages. D'autant plus, qu'il va nécessairement y avoir un phénomène de spécialisation par niches...

8/ c'est incontestable, la musique c'est du partage d'expérience donc plus les playlists seront ouvertes et interopérables mieux ce sera pour l'utilisateur, reste à trouver une stratégie cohérente pour les services de musique en ligne

9/ pour mxp4, j'attends de voir ça....

10/ oui, ce ne seront pas les majors qui vont profiter du boom mais des acteurs spécialisés tels que Believe Digital

11/ HADOPI ne sert à rien :-)

Alec a dit…

Sur le 3, la limitation actuelle des réseaux mobiles réside non pas dans la techno radio, mais dans l'architecture de remontée de trafic qui n'a pas suivi en restant sur des technos datant de 20 ans, certes adaptées pour du trafic téléphonique mais qui montrent très vite leurs limites quand on commence à faire du data (d'où le recours au fair-use, afin d'éviter l'engorgement).

Un goulet d'étranglement qui sautera de lui-même, libérant les usages, le jour où les opérateurs mobiles opteront, comme en leur temps les opérateurs fixes avec l'ADSL sous la pression concurrentielle, pour une remontée de trafic réellement efficace (en clair, IP & Ethernet).

Ce qui nous amène aux 4, 5, 8 & 9. Hormis pour ceux qui ont empilé des tonnes de K7 VHS et piles de CD / DVD gravés qui ont fini par prendre la poussière, la possession de fichiers ne semble pas un concept d'avenir.
Dans un contexte de pluralité de terminaux et de nomadisme, à quoi bon perdre son temps à alimenter en fichiers les nombreux terminaux et les synchroniser entre eux alors qu'un accès permanent à un répertoire partagé au moyen de réseaux d'accès performants fera l'affaire de façon transparente et quasi-instantanée pour l'utilisateur, où qu'il se trouve et quel que soit son terminal ?

A leur façon iTunes, Spotify, Deezer sont des précurseurs de cette évolution des usages, occupant (et tentant de monétiser) un terrain laissé en friches par les acteurs historiques accrochés à leur vision d'un modèle (distribution de la rareté) qui a fait son temps.

Sinon, petite précision, le trafic P2P ne diminue pas (encore). C'est sa part dans le trafic global qui diminue, du fait du report sur d'autres protocoles et de l'explosion du trafic HTTP dans le sillage des YouTube & co.

bebebest a dit…

pourquoi toujours une haine du peuple envers les maisons de disque? ce sont des entreprises comme les autres, et elle sont bien moins pires que d'autres...

Anonyme a dit…

Et ben moi je trouve ça bien triste de ne plus acheter de disques, beaucoup trop onéreux, surtout quand on passe plus de temps a en écouter que ne pas en écouter ! Je me rappelle mes années d' ado ou j' étais toute excitée en ouvrant mon nouveau cd de Radiohead ! Tous ces groupes qui se prenaient le tête pour faire des chouettes couverture de disque, comme Rammstein et autre PJ Harvey .... même un peu avant je me rappelle du boîtier de cassette de No One ... nostalgie... merci Itunes, grâce a vous on a plus besoin de se taper des sueurs froides en les piquant dans les magasins ... et on a plus cette petite excitation grisante d' une victoire sur le Système !

Anonyme a dit…

Concernant "le MP3 va réellement commencer à disparaitre dès 2010"
---> Au profit de quel encodage ? Moi je doute très fortement de ça =) Le 320 kbps à encore un bel avenir devant lui.

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