lundi 12 avril 2010

Sociétés de gestion collective : billet d'humeur

Nombreux sont ceux qui ont déja commenté le rapport de la Commission de Contrôle sur le dérapage des salaires du management des sociétés collectives. La vague semble surmontable, tant elle se noie dans une inflation généralisée des rémunérations des chefs d'entreprises des grandes sociétés françaises. Sur cinq ans, les revenus des équipes dirigeantes du CAC ont augmenté de 103% (soit, tout de même un poil plus que l'inflation). C'est en soit assez scandaleux, pour maintes raisons, à commencer par le fait que ces augmentations n'ont aucune justification. Ni la création de valeur (le résultat, la valeur de bilan), ni le cours en bourse, ni aucun autre indicateur ne permet d'expliquer ces augmentations, si ce n'est pas prétendue mise à niveau avec ce qui se fait ailleurs que chez nous. L'argument est d'ailleurs également falacieux car les grands patrons français sont depuis 2005, relativement à la valeur de leurs entreprises, les mieux payés d'Europe et de loin. 

Concernant la Sacem et autres sociétés de gestion collective, le problème est plus aigü, ce qui le rend proprement scandaleux. En effet, les recettes de ces sociétés collectives étant en très faible augmentation, quand elles ne reculent pas, il serait normal que les salaires de leurs dirigeants y soient plus ou moins indexés, faute d'augmenter les frais de gestion. 
Mais c'est là que l'aberration se précise. On apprend dans ces mêmes rapports que les frais de gestion sont, pour l'ensemble de ces sociétés, d'environ 33% !!!! 
Ce chiffre devrait être à même de scandaliser beaucoup plus que les salaires de ces dirigeants ; il est en effet nécessaire de rappeler que le métier principal de ces organismes de gestion consiste à collecter de l'argent pour le redistribuer aux ayant-droits. C'est -un peu trivialement certes- une sorte de service financier, au même titre qu'une banque ou que le ministère des finances pour la collecte de l'impot. La différence notable, c'est que ces organismes prélèvent des frais de gestion qui sont une très faible fraction de ce que prélève la Sacem et consors. Ainsi, en France, la collecte de l'impots, considéré comme l'une des plus chères des pays de l'OCDE, "coûte" entre 0,8 et 1,4% des sommes prélevées, suivant le mode de calcul.
Certes, la mission de la Sacem et autres sociétés de gestion collective est plus vaste que celle se résumant à une simple collecte, il n'en reste pas moins que la situation de monopole dans laquelle se trouvent ces organismes leur a laissé penser qu'ils pouvaient s'abstenir de toute réforme et qu'ils ont en conséquence conservé des procédés de gestion des droits largement dépassés. Le niveau de transparence qu'ils offrent à leurs membres étant en soit une démonstration assez explicite du fait qu'ils ne souhaitent en aucun cas que l'on mette le nez dans leurs affaires. 
Il y a quelques temps, votre serviteur avait eu l'occasion d'être invité par la direction de la Sacem à déjeuner : restaurant privé avec Grand Chef qui s'enquiert de vos requettes alimentaires, vue imprenable sur l'Ile de la Jatte... Tout ceci pour entendre ses directeurs se demander ce qu'il conviendrait de faire pour que les artistes aient une meilleure opinion de cette grande maison... 
Dans un contexte de crise historique de l'industrie de la musique, il est plus que dommageable que ce genre de rapport ne puisse aboutir à une remise à plat d'un systéme qui ne se justifie que parce qu'il existe. Rappelons que la Sacem collecte 1,4 millards d'Euros par an et qu'un tiers de cet argent pourrait donc être largement mieux employé qu'à -trop- rémunérer son équipe dirigeante. 


9 commentaires:

Benjamin a dit…

> Sur cinq ans, les revenus des équipes dirigeantes du CAC ont augmenté de 103% (soit, tout de même un poil plus que l'inflation). C'est en soit assez scandaleux, pour maintes raisons,

Failed.
Si tu parles des patrons, une entreprise est privé (donc à but lucratif)
La SACEM est une société civile à but non lucratif.

Faudrait pas mélanger quand même ..

Anonyme a dit…

elle est avant tout privéE

Anonyme a dit…

privée peut etre mais avec un monopole dans son secteur, un monopole institutionnalisé de surcroit.

de toutes facon avec de pareils donneurs de leçons je ne m'attendais pas à mieux.

ce secteur de l'industrie est de toutes facon complétement vérolé par d'incompétents parasites, juste bons à s'engraisser sur le dos de vaches à lait grossierement manipulées.

Anonyme a dit…

Concernant les entreprises du CAC 40, la comparaison s'arrête seulement au niveau des chiffres. l'incompétence et la déconnexion complète des dirigeants de la Sacem par rapport aux réalités du secteur (CKV, Bernard Miyet, Michel Alain...)sont autrement plus importantes...

Anonyme a dit…

Si la critique peut être, et même doit être féconde, elle risque de basculer avec ce rapport et les commentaires qu'ils suscitent dans l'absurde.

s'il n'est pas question de défendre par principe la gestion collective(pas plus que n'importe quel autre système d'ailleurs), j'aimerais cependant bien qu'un jour on se donne la peine de prendre en considération les excellents travaux des économistes (en anglais et en français) mais aussi des juristes qui se sont efforcés non seulement d'établir des critères permettant de juger de l'efficacité des SGC, mais aussi de les comparer dans un cadre pertinent. Une bonne part de ces travaux sont disponibles sur le net et sont accessibles aux commun des mortels. Nombre d'entre eux, émanant de chercheurs anglo-saxon, concluent à l'efficience d'une société comme la SACEM (ce qui signifie que son niveau de frais de gestion de l'ordre de 16 % sur les trois dernières années (cf. les comptes publiés et certifiés), n'est pas à vouer aux gémonies et surtout qu'il ne peut constituer le seul critère pour juger de l'efficacité de l'action d'une SGC).

Dans ces conditions, offrir en pâture le chiffre de 33,3 % de frais de gestion prétendument prélevés par la SACEM, alors qu'il résulte d'une appréciation globale que la Commission de contrôle (autrement composée) avait elle même condamné dans ses rapports de 2004 et 2005, n'a guère de sens...et en tous les cas aucune pertinence économique.

Quant aux comparaisons douteuses avec les frais de gestion du trésor public (l'impôt fonctionne en France sur une base déclarative, le respect de la législation fiscale relève des prérogatives de l'Etat, etc.), elles prêtent à sourire. Ceux qui prétendent connaitre un tant soit peu le secteur musical, ignorent-ils donc le coût réel que représente la perception des redevances de droits d'auteur auprès des milliers d'établissements publics en tout genre en France et à l'étranger ? Croient-ils vraiment que les exploitants de discothèques, de cinéma ou de bars, adresse chaque année une déclaration à la SACEM, puis règle spontanément les redevances dont ils sont débiteurs !

Pareilles critiques quasi incantatoires ne peuvent porter, pas beaucoup plus d'ailleurs que les conclusions du rapport de la Commission de contrôle.

Si je suis parfaitement d'accord sur le fait que l'on peut légitimement s'interroger sur le niveau du montant de certains cadres dirigeants des SGC, encore faut-il garder de la mesure et surtout faire preuve de rigueur.

SawndBlog ! a dit…

Nous avons néanmoins été explicites dans notre post sur le fait qu'il n'était pas possible de comparer directement les coûts de prélèvement de la Sacem à ceux d'une banque ou de la recette des impôts. Il n'en est pas moins vrai que le chiffre de 33% provient d'un rapport officiel et qu'il doit avoir un tant soit peu une origine tangible. Un taux de 16% -serait-il fondé- resterait cependant à la limite de l'acceptable, représentant quand même un coût de fonctionnement de l'ordre de 180M€. Il ne nous semble pas nécessaire d'avoir fait 10 ans d'audit chez KPMG pour constater combien cette institution n'est pas portée au contrôle des coûts.
Enfin, pour être tout à fait explicites, il nous semble qu'un salaire de l'ordre de 400KE pour le CEO d'une entreprise de 1,4 mds n'est pas totalement disproportionné, sous réserve qu'un travail constant d'innovation et d'optimisation soit au coeur de sa mission. De même, toute augmentation de salaire autre que celle compensant l'inflation ne pourrait avoir de justification que dans le cadre d'une amélioration du chiffre d'affaire, ou de la performance. Ce n'est le cas pour aucun de ces points.

Anonyme a dit…

Navré, mais je persiste à penser, peut être à tort, que la comparaison est "au moins" sous-entendue dans votre post.

Je peux vous rejoindre sur le principe de l'évaluation du salaire (pour le reste n'étant ni un auteur membre de la SACEM, ni l'un de ses salariés, je ne me lancerais pas dans une appréciation de l'étendue et de l'efficacité de la mission de ses dirigeants en période de crise).

Par ailleurs, mes références aux critères permettant d'apprécier l'efficience de la gestion collective n'ont que peu à voir avec l'analyse descriptive qui résulterait d'un audit (mais pour rester dans l'audit, le rapport fait par Deloite en 2000 - disponible sur le site de la commission européenne - soulignait la portée relative d'une analyse d'efficience portée exclusivement sur les coûts).

Enfin, je ne conteste aucunement que le niveau des frais de gestion doit être un souci constant de toute SGC.

Néanmoins, au vu de la réalité de l'activité de gestion collective, je persiste à penser qu'un niveau de frais de gestion avoisinant les 15% reste raisonnable, sauf à considérer que pour des raisons de coûts une SGC ne doit pas percevoir dans les secteurs d'exploitation trop couteux (pour la moyenne de 16% je vous renvoie aux Rapports publics mis à disposition sur le site de la SACEM et aux rapports des années précédentes de la Commission de contrôle des SPRD – site du ministère de la culture). En effet, il est certain que les frais de gestion seraient réduits, si une société comme la SACEM abandonnait la perception dans les secteurs où celle-ci est structurellement couteuse, comme c’est le cas par exemple pour les petits exploitants de Province (pour information c'est ce que pratique la société BMI aux USA pour atteindre péniblement 13% de frais de gestion…). Le problème, c'est que les œuvres des répertoires régionaux sont avant tout jouées en Province (petites salles, bars, bals, etc.), dès lors les auteurs de ces œuvres n'auront plus qu'à se débrouiller seuls. On peut vouloir à tout prix réduire à la marge le niveau des frais de gestion, mais il est à craindre que cela ne profite qu’aux plus "gros" ayants droit au détriment des plus modestes. La preuve : à l’étranger où les majors de l’édition musicale disposent de larges pouvoirs au sein des SGC dont elles sont membres, elles sont les premières à exiger l’abandon de la perception dans ces secteurs.

Au surplus, et pour être plus pragmatique, si les frais de la SACEM était à ce point scandaleux et non fondés d’un point de vue économique, peut ont m’expliquer pourquoi une multinationale comme Universal publishing lui a confié la gestion paneuropéenne de ses droits pour le online et la reproduction phono ?

Sawndblog a dit…

J'avoue que votre commentaire fait du sens et je loue votre ton mesuré, qui tranche largement celui des posts vous précédant. Concernant notre sujet et pour en avoir parlé avec plusieurs acteurs du publishing aujourd'hui, il semblerait que l'écart de 16 (votre chiffre) à 33% (celui du rapport de la Commission de controle) soit en grande partie dû aux missions hors cadre de la Sacem : subvention de concerts, et autres. Il semble d'ailleurs qu'une part importante des critiques se concentre sur l'affectation de ces fonds, dont la rigueur est parfois aléatoire. Il n'en reste pas moins exact que le rapport reversement/collecte est d'environ 66%. Les membres de la Sacem ont-ils leur mot à dire sur l'affectation de ces 16% qui ne les concernent qu'indirectement? C'est une autre question, mais il me semble qu'elle devrait être au moins posée.

Julien a dit…

Salaires à la Sacem : un député UMP veut ouvrir une commission d'enquête http://j.mp/90yEHH

Enregistrer un commentaire