jeudi 17 septembre 2009

Musique : les stratégies looser

Il est notoire que l'industrie de la musique n'a pas su s'adapter à l'émergence de l'Internet ; par comparaison avec celle du film, elle a démontré une incapacité flagrante à innover. Je me souviens d'une époque où lorsqu'on allait dans une maison de disque, l'attachée de direction nous conseillait d'éviter de citer le mot mp3 ! Surréaliste?? Mais... malheureusement vrai ! Pendant ce temps, l'industrie du film ajoutait des bonus à ses contenus, créait le BluRay, faisait la journée du cinema à 4 Euros et j'en passe. Voici donc, en hommage à ces années passées un post sur les stratégies looser dans l'industrie du disque.

Croire que Big is beautifull: il fut un temps ou la principale force des maisons de disques étaient les remises dont elles disposaient, au niveau groupe, en achat média auprès des télés et radios. Elles avaient là un avantage extrèmement fort par rapport aux indépendant. Si un nouveau groupe de rock voulait de la visibilité, il devait payer 3 à 4 fois plus cher son exposition payante aux médias s'il choisissait de travailler avec un label indépendant. Le problème est qu'aujourd'hui, l'émergence d'un artiste se fait de moins en moins par les médias traditionnels et que cet avantage a donc disparu. Les gros groupes auparavant avantagés, se retrouvent très nettement pénalisés ; pas adaptés à internet, incapables de réagir vite... Les artistes ne s'y trompent pas et à présent préfèrent nettement signer chez un petit indépendant malin que dans une major. Big is stupid and small is smart.

Refuser l'innovation sous toutes ses formes: plus que tout autre, c'est le syndrome qui a été le plus pénalisant. J'ai raconté ici comment fut inventée la sonnerie hifi, et ce n'est pas élogieux pour les majors... Et on peut se demander  combien d'autres innovations, à commencer par la distribution digitale, les majors ont refusé ! J'ai le souvenir d'un représentant de Universal qui avait dit deux âneries dans la même conférence (i) je ne donnerai mon contenu que lorsque les systèmes de sécurisation seront aussi élevés que ceux d'une carte de crédit à puce -ce qui revenait à imposer un niveau de complexité tout à fait superficiel, complexe et coûteux aux contenus- (ii) je me fiche de savoir quel est le prix exact, ce qui m'intéresse, c'est de vendre aussi cher que possible mon contenu. C'est bien ce qu'ils ont fait. Ils ont vendu les titres à 2,5/3 Euros. Les consommateurs ont essayé durant quelques semaines et puis, lassés que l'on les prennent pour des gogos achetant des titres bourrés de DRM et nécessitant une licence informatique pour être utilisés, se sont tournés vers d'autres source de contenus (suivez mon regard...).

Oublier les artistes et la musique: Combien d'artistes se sont plaints d'être traités comme des numéros dans une major? Malheureusement trop. Au tournant des années 90, Alors que le business était en pleine expansion, les actionnaires des maisons de disques ont commencé à penser que le business était trop juteux pour le laisser à des amateurs de musique, personnages suspects par essence... On a ainsi vu des polytechniciens, des directeurs de marque de grande consommation, des golden boys de la publicité... prendre tour à tour la direction des cinq majors. C'est ce que j'appelais alors un "CFO driven business" traduction : un business ou seul la logique financière régnait... La perte de sens a été pour le moins préjudiciable ! Les artistes ont commencé à se plaindre sans réserve, et des noms de tout premier plan ont quitté les majors : Prince dès 2000, Madonna en 2008, etc.

Se prendre pour une banque de wall street et initier des bonus quel que soit le temps : La musique c'est connu, c'est sex, drug, rock&roll.... and Pognon !
Tout ça c'est très bien quand le business va bien, mais à l'instar de ce qui se passe dans la finance ces jours-ci, c'est plus problématique lorsque le business se retourne et surtout lorsque l'ensemble des équipes touchent d'assez modestes salaires (un chef de produit confirmé touche environ 35KE annuels) tandis que le top management gagne entre 1,5 et 2M d'euros pour un pays comme la France et 3/4 fois plus pour les USA... Sans oublier de mentionner qu'au Midem, les meilleurs suites sont systématiquement dévolues à ces usual-suspects ; et ce sont eux aussi que l'on voit en train de monter en 1ère sur le Paris / LA tandis qu'on se glisse vers le compartiment à bétail des sièges coach...
Personnellement, je ne connais aucun secteur (à part la publicité peut être) ou la grille de salaire est aussi distordue ; même dans la banque d'investissement, les salaires d'entrée sont moins écartelés d'avec ceux des patrons.
A la limite, ça serait acceptable si l'industrie pouvait se l'offrir ; le problème c'est que le salaire du top management représente des coûts élevés pesant de façon sensible sur les comptes... De l'aveu même d'un directeur financier ayant été au coeur du système, c'est l'un des principaux facteurs du plongeon d'une grande maison de disque dont le nom commence par une des dernières lettres de l'alphabet... Sans parler du fait que ça n'est pas un facteur très motivant pour les troupes et les artistes !

Penser qu'il faut mettre en prison les pirates et que tout va s'arranger après: combien de fois ai-je entendu cela de la bouche même des patrons de maisons de disques? Ils sont subtils et ne le disaient pas directement, mais dès qu'on leur faisait une ouverture, ils se lâchaient... Pas la peine de vous faire un dessin, et même si je suis favorable à Hadopi, j'étais ulcéré de voir qu'ils ne pensaient qu'à la marge à remettre en cause les fondamentaux de leur business.

La liste est donc longue des griefs que l'on pourrait avoir à l'endroit de cette industrie. Récemment, j'étais interviewé par un membre de cabinet ministériel et je lui faisais part de mes doutes sur la capacité de réforme -et donc de survie- des majors. Je dois avouer que je ne parviens plus à penser qu'elles puissent avoir des avantages concurrentiels dans le nouveau paysage qui se dessine...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est une figure de style? un choix délibéré? Hadopi s'écrit avec un H :D

SawndBlog ! a dit…

thanks. Autant pour moi. risible d'ailleurs.

Philippe DUPUIS aka WEBENTERTAINER a dit…

Humm !
Entièrement d'accord avec tout ça :-)

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