lundi 1 février 2010

interview de Fabrice Nataf CEO de EMI publishing. Sawndterview #16


Fabrice NatafFabrice Nataf est un personnage assez central de l'industrie de la musique. Patron de EMI publishing depuis 2001, il a un regard particulier sur l'industrie aussi car il était auparavant le DG de PeopleSound, un site web qui restera dans les anales pour avoir essayé d'être à mi-chemin entre  MyMajorCompany et MP3.com... 
Le fait qu'il ait été patron de label -Disque Vogue- ne rend son parcours que plus complet. Fabrice à une langue bien pendue, ce qui donne un petit vernis très sympatique à son interview. 



Fabrice, ca fait combien de temps que tu es à la tête de EMI publishing en France?
Ca fait presque 9 ans. t c'est toujours un immense plaisir malgré la sinistrose ambiante et la tempête que traverse l'industrie du disque. Vu que tout le Monde est plus ou moins dans le brouillard,
chaque projet est important, chaque innovation est intéressante et les dizaines de business models qui arrivent depuis quelques temps dans la musique montrent déjà une chose : il n'y a pas de crise dans la créativité. De toutes façons, aujourd’hui, nous sommes condamnés à la créativité.

Peux tu nous expliquer en deux mots comment tu résumerais EMI Publishing par rapport au marché français?
En 2 mots, très facile: - LES - MEILLEURS - [ :-) NDRL]

Comment vois tu l'industrie du publishing évoluer ces derniers temps ?
L'industrie du Publishing a été plus protégée que l'industrie du disque depuis le début de la crise. D'abord parce que les droits mécaniques ne concernaient seulement que 60% de notre chiffre d'affaire, et aussi parce que de nombreuses utilisations de la musique (depuis 5 ou 6 ans) concernent plus les chansons que les titres enregistrés par les artistes originaux (ringtones, jeux vidéos comme Guitar Hero, Karaoke, reprises de titres dans les émissions comme Star Ac ou N'oubliez pas les paroles), etc…) enfin parce que l'industrie du Live se porte plutôt bien.
Il n'est pas rare aujourd'hui de voir un artiste qui a vendu seulement 25 000 albums remplir l'Olympia, ce qui n'était pas envisageable il y a une dizaine d'années.
Aujourd’hui, le Publishing est au cœur du métier : D’ailleurs, quand on signait un artiste il y a 5 ou 6 ans (un artiste non signé dans une boite de disque), sa première question était : Est-ce que vous pouvez me trouver une boite de disques. Aujourd’hui cette demande arrive en 5 ou 6éme position, juste après les questions suivantes :
"Est ce que vous pouvez m’aider à me faire connaitre sur internet (avoir une super page MySpace ou facebook) ?"
"Est-ce que je peux essayer d’écrire pour des autres artistes ?"
"Est-ce que je peux travailler en synchro, c’est à dire soit placer un titre sur une publicité, un film, soit composer une musique pour un film ou une fiction en télé) ?"
"Est-ce que vous pouvez m’aider pour trouver des concerts, un tourneur, etc…"
Le problème de la boite de disques se retrouve après toutes ces préoccupations.

Dans quel état te semble le monde de la musique en ce moment?
Pas terrible. Je sais que ce n’est pas super politiquement correct de dire ça sur le net, mais j’attends beaucoup de la loi Hadopi et il y a beaucoup de choses très bien dans le rapport Zelnik [ :-) X2 NDRL]. Même si l’industrie du disque (dont je fais partie) a inconsciemment fait beaucoup d’erreurs et a préparer une sorte de piste d’atterrissage très confortable pour la plupart des sites de téléchargement illégal ou pour le PtoP, je crois qu’on a touché le fond. Et que les métiers de la musique ont de très beaux jours devant eux.

Pour les maisons de disque, tu penses que le business va s'améliorer ou se dégrader?
Comme je l’ai dit dans la précédente réponse, je crois vraiment qu’à court ou moyen terme, les métiers de la musique vont repartir. Sous quelle forme ? J’imagine que plusieurs business models
vont se côtoyer (achats au titre, abonnement, streaming, financement par la publicité, marché physique, etc, etc…) mais il n’y aucune raison que la musique qui est quand même adorée par tant de monde voit toute son industrie sombrer.

Et pour le publishing?
C’est encore mieux pour le Publishing qui, comme je l’ai dit, a moins souffert de la crise que les boites de disques. D’ailleurs regarde les premiers signes qui ont touchés les maisons de disques :
(Radiohead qui vend son album sur un internet à un prix variable, Mc Cartney qui a signé avec Starbucks, Madonna qui signe avec Live Nation) tout ça a beaucoup plus touché le publishing que les maisons de disques traditionnelles qui ont vu des pans entiers de leurs chiffres d’affaire partirent chez d’autres.

Quel est leur plus gros défi à relever en ce moment dans le publishing ?
Arriver a à faire respecter coute que coute le droit d’auteur. Plus les sociétés d’auteurs seront fortes, plus les auteurs et les artistes seront protégés.
En France, la Sacem fait un travail exceptionnel à ce niveau.

Tu ferais quoi si tu étais un artiste?
Je passerai plus de temps sur mon MySpace ou en studio de répétition que chez mon avocat.
J’arrêterai de réfléchir comme un chef de produit et plus comme un artiste.
Et surtout j’éviterai de choper la grosse tête dés le premier disque d’or (et encore moins avant le premier disque d’or).
Et plus sérieusement, j’essayerai de constituer autour de moi, l’équipe qui (d’après moi) va m’amener au succès
(Manageur, tourneur, éditeur).

Quels sont les projets, les start-up qui t'intéressent le plus en ce moment?
Je suis très curieux de voir qu’est que vont devenir des modèles comme MyMajorCompany ou Deezer ou facebook. Pour facebook par exemple, c’est très bizarre de voir une société avec 350 millions de clients à travers le Monde perdre encore de l’argent. Non ?

Tes sites préférés?
A part des sites d’informations comme CNN ou Libération, j’aime beaucoup mobileroadie.com qui permet aux artistes de faire une application pour Itunes très facilement.
Sinon, je dépense beaucoup d’argent sur Itunes.

Est-ce que tu penses que la musique va rapidement évoluer vers une offre légale?
J’en suis certain.

A quel horizon?
Le temps que la loi Hadopi ait un effet considérable sur le piratage et que les propositions de Zelnick soient mises en place.

Quels sont les musiciens qui te semblent les plus innovants en ce moment?
Innovant, je ne sais pas. Les musiciens innovants ne sont pas forcément les plus intéressants.
J’ai adoré Amy Winehouse ou les White Stripes mais ce n’est pas forcément à eux que je pense si je dois donner des noms de musiciens innovants.
J’aime beaucoup un groupe qui s’appelle Bewitched Hands On The Top Of Our Heads. Je sais ils ont un nom impossible mais j’adore ce groupe.
Ils ont des vraies compositions et une énergie incroyable sur scène.
Sinon, la plupart des gens avec qui j’ai la chance de travailler tous les jours Gonzales, Keren Ann, Jay Z, So Called, etc…



Merci Fabrice !



2 commentaires:

Charly&SaDrôleDeDame a dit…

Les questions des artistes que mentionne Fabrice Nataf résument très bien le changement radical de la musique ces dernières années.
Les priorités changent, évoluent... La progression de l'utilisation de la synchro en est un très bon exemple (Ex: Jil is lucky, Cocoon, José Gonzalez...). Par contre, "Je passerai plus de temps sur mon Myspace", pas sûr que ça soit encore d'actualité... En tout cas, très sympa cette interview. ;)

Charly
@Charly_SDDD

Anonyme a dit…

The man knows what he talks about. Il est beau l'oiseau.

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