Dans la suite du précédent post sur la musique mobile, la frustration était palpable de ne pas évoquer le reste (ce qui n'est pas de la musique) et de regarder lemonde mobile d'un peu plus loin... En se mettant à l'échelle du siècle, par exemple. Et si on faisait ça, il n'est pas impossible que d'ici quelques décennies, l’émergence du mobile pourrait être unanimement reconnue comme l’innovation qui a le plus marqué le tournant du siècle, à l’instar du métier à tisser au XVIIIème siècle, ou de l’automobile au début du XXème siècle.
On peut même se poser sérieusement la question de savoir si internet ne sera pas alors relayé comme une évolution secondaire, dans l’ordre d’importante de l’évolution des systèmes de communication (je sais ça semble étrange... mais lisez la suite).
En deux mots : à ce jour, 2800 millions d’êtres humains possèdent un mobile –qu’ils utilisent quotidiennement- tandis que « seulement » 1 450 millions d’entre eux accèdent à Internet plus d’une fois par mois. Et tandis que le taux de croissance de l’Internet fixe s’essouffle notablement (deux petites centaine de millions d’internautes supplémentaires l’année passée), les utilisateurs de mobile n’ont jamais cru aussi vite : près de 950 millions de nouveaux adeptes pendant la même période ! Il y aura ainsi plus de 5 milliards d’utilisateurs de mobiles avant 2020...
L’un des aspects le plus remarquable de la communication mobile, c’est qu’elle semble toucher l’ensemble des populations, presque sans aucune discrimination : dans les pays développés, les taux de pénétration avoisinent les 90%, voir dépassent 100% (Royaume-Uni, Hollande, Suède, Taiwan…). Quant aux pays en développement, il s’équipent désormais à une vitesse considérable : l’inde compte 145 millions d’abonnés contre une petite dizaine de millions, seulement trois ans auparavant! [L’une des conséquences collatérales, c’est que de nouveaux opérateurs, fondés dans le tiers-monde, sont en train de devenir des groupes qui n’ont que peu à envier aux mastodontes occidentaux : les consortiums tels que Orascom (Egypte), ou Nextel (Bresil), America Movil (Mexique) sont suffisement puissant désormais pour acquèrir des opérateurs occidentaux.
Une des raisons fondamentale de ce succès s’explique dans le fait qu’il n’est pas indispensable d’avoir avoir accès à un « facteur de développement humain » élevé, pour posséder un téléphone mobile. Il n’est pas nécessaire de savoir lire, ni écrire, ni d’avoir le téléphone fixe, ni même nécessairement l’accès au réseau électrique. De surcroît, son modèle économique permet de faire supporter le financement de l’acquisition du terminal, par l’opérateur et in- fine par la bourse et les fonds de pension, n’en déplaise aux ennemis du capitalisme.
C’est désormais 45% de ces abonnés, soit plus de 700 millions d’êtres humains, qui vivraient dans les pays en développement.
la question reste : en quoi le fait d’être parvenu à accaparer une partie des revenus de gens qui n’en ont que peu devrait être considéré comme un succès ?
C’en est pourtant un significatif, car il est vrai que dans les pays développés, l’attrait du téléphone mobile se trouve pour une part non négligeable dans sa capacité à préserver des liens sociaux de plus en plus complexes à maintenir, ce sont généralement des besoins de première nécessité qui factorisent l’achat d’un mobile dans les populations moins aisées. Les utilisateurs soupèsent d’ailleurs le prix de chaque appel avant de « décrocher » et privilégient souvent le SMS au détriment de la voix.
Nous n’évaluerons cependant jamais assez l’impact que peut avoir cet équipement dans des économies émergentes. Il supplée en effet remarquablement bien à des infrastructures et des compétences humaines limitées.
Aux Philippines, ce sont ainsi 27 millions de comptes bancaires qui ont été ouverts par l’entremise des réseaux mobiles. Les formalités sont des plus limitées et le système de transactions est suffisamment sécurisé pour que la fraude s’établisse au même niveau que celle des cartes de crédit et se traitent –jusqu’à un certain montant- par SMS !
Ce sont des considérations un peu éloignées des nôtres, mais concrètement, un pécheur côtier en Indonésie, peut ainsi appeler le convoyeur qui va emporter son poisson avant qu’il ne perde de sa fraîcheur, puis encaisser le fruit de sa vente directement sur son compte bancaire. Le fait qu’il n’y ait ni entrepôts frigorifiés, ni établissement bancaire à proximité, ne sont donc plus des freins rédhibitoires au développement du commerce. Au-delà de la logistique et des échanges, il est évident que le fait de pouvoir appeler un médecin, vérifier la météo, même s’assurer d’un horaire de bus, etc. sont autant de vecteurs de développement.
Ca semble évident, mais qui aurait simplement soupçonné l’importance que tout ceci prendrait ne serait-ce que quinze ans plus tôt ? Se souvient-on que l’un des précédents présidents de France Télécom avait pronostiqué un million d’abonnés mobile pour l’an 2000, en lançant le réseau GSM ? Il y en aura quatorze millions à cette date...
Après la voix, ce sont à présent toute une nouvelle génération de services qui vont peu à peu rentrer dans notre vie quotidienne. Télécharger de la musique, regarder des vidéos, ou jouer en réseau, sont parmi les applications les plus médiatisés. Pour la plupart, elles restent encore complexes à utiliser et l’on peut s’interroger sur l’intérêt de certaines d’entre elles (voir le précédent post) : est-ce vraiment un avantage décisif que de pouvoir visionner la personne que l’on appelle avec les services de visioconférence ?
Il n’en reste pas moins que le champ du possible est désormais presque illimité grâce à l’évolution des technologies : une jeune société européenne s’apprête à lancer un service de petites annonces mobiles géo-localisées. Vous recherchez un canapé ? commencez par regarder si celui dont votre voisin souhaite se débarrasser n’est pas à votre goût : il aura utilisé la caméra de son téléphone pour en faire quelques photos, ou même une courte vidéo. Vous avez oublié vos clés de voitures ? Aucune importance puisque désormais votre mobile remplacera cette clé. Vous prenez une assurance pour votre nouvelle voiture? Les photos que vous en ferez d’extérieur et d’intérieur, et enverrez automatiquement à l’assureur, constitueront les pièces de références de votre dossier, si d’aventure un sinistre survenait.
Il serait possible d’écrire des pages et des pages sur les innovations de ce type. D’ici quelques années, certaines d’entre elles seront des succès, tandis que la plupart auront disparu. Ce qui sera remarquable concernera la capacité d’adresser la globalité d’une population, avec des services qui se comportent de façon de plus en plus personnalisée, peu coûteux et efficaces.
Pour les pays en développement, le mobile est déjà un important facteur de développement : une étude un peu farfelue de l'OMS attribue 1% de PIB en plus pour un pays dont le réseau mobile fonctionne bien.
C'est certainement vrai aussi pour les pays développés. le mobile doit avoir une capacité de participation à « l’effort de consommation » nettement plus élevé que l’on ne le pense. Jusqu’à présent, les revenus des appels téléphoniques ne créaient que peu de croissance indirecte. Il en est tout autrement des services, qui peuvent générer des chiffres d’affaires indirects substantiels.
Est-ce à dire que les opérateurs sont assis sur une mine d’or ? Pas nécessairement. Car, l’une l’une des clés du succès de ces services réside dans leur faible coûts. Or, l’importance des marchés potentiels va créer une concurrence de services, mais également de réseaux technologiques qui ne garantit pas que les mastodontes d’aujourd’hui en sortiront gagnant.
Très bonne année 2010 à tous nos lecteurs.
vendredi 1 janvier 2010
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