Le magazine Wired vient de publier un bon article sur 5 procès "musique & Internet" s'étant tenus cette année 2009, suffisamment emblématiques pour donner le ton concernant l'évolution de l'activité de la musique sur Internet. Il nous a semblé intéressant, non pas de traduire l'article (beaucoup d'entre vous peuvent le lire directement sur le site), mais de l'analyser sous l'angle de ce que nous connaissons ici, en France. Ce papier est un peu technique et il n'est pas forcément exempt d'erreurs. Il n'en reste pas moins intéressant de chercher à comprendre dans quel sens le balancier semble s'orienter pour les années à venir. Ces procès sont donc :
1° UMG Recordings v. Veoh Networks
Veoh est une sorte d'hébergeur, à l'instar de dailyMotion. Ils se sont fait attaquer par Universal pour avoir laissé les internautes uploader des contenus appartenant à Universal.
Veoh a finalement gagné... En arguant du fait qu'ils respectent les conditions du Millenium Act, une loi qui stipule que les hébergeurs ne peuvent être poursuivis s'il retirent les contenus incriminés dès qu'ils en sont notifiés par l'ayant-droit.
L'analyse: Pas de grande différence ici avec ce que nous connaissons en Europe. Le législateur a en effet retenu le même principe. Tant qu'elles ont un rôle d'hébergeur et qu'elles retirent les contenus illégaux, les plateformes d'hébergement ne peuvent être poursuivies.
Toutefois -c'est ce que ne semble pas encore avoir compris un ancien ministre avec lequel votre serviteur a eu un échange assez sec : en voulant contraindre google à restreindre préalablement ses résultats de recherche (sous prétexte qu'ils conduisent vers des sites pirates), il remet en cause l'ensemble de l'écosystème de l'Internet. L'indexation automatique ne serait plus possible et une très grande partie de l'internet, tel que nous le connaissons, ne pourrait plus fonctionner efficacement.
Les dispositions du Millenium Act ont été transposées en droit dans l'ensemble des pays occidentaux, permettant aux acteurs d'intégrer un cadre clair et efficace. Cependant, il est notoire que groupes de pressions et parlementaires militent pour pour une remise en cause de ces types de lois.
Capitol Records v. Thomas-Rasset; Sony BMG Music Entertainment v. Tenenbaum
Ammie Thomas-Rasset et Joel Tenenbaum ont été condamné à 1,7 millions et 750,000 dollars en vertu des lois de leur Etats respectifs pour violation de copyright (téléchargement des contenus en pear-t- pear).
L'analyse: Aux Etats-Unis, les pirates sont jugés suivant les lois de leurs Etats de résidence, qui sont généralement anciennes, s'appliquant à la violation du Copyright en général. Dans certains cas, les sanctions peuvent donc être particulièrement élevées. En promulguant Hadopi et des législations proches dans plusieurs pays européens, il semble que l'on se dirige vers une amende forfaitaire ou vers des rétorsions gradués. La différence avec les Etats-Unis est donc ici importante, mais pourrait cependant n'être que temporaire. Le législateur américain regarde avec intérêt ce qui se passe sur le vieux continent avec l'idée de créer une loi Fédérale. De surcroît, sur la base des cas Thomas-Rasset et Joel Tenenbaum les amendes disproportionnées pourraient être considérés comme allant à l'encontre de la Constitution, aux Etats-Unis même.
L'Etat Suédois poursuit pénalement les promoteur de The Pirate Bay, tandis que les majors attaquent simultanément la société en dommage et intérêt... La note est salée... Mais le service ne s'arrête pas pour autant. Fort d'un soutien populaire et d'un succès non démenti, The Pirate Bay (dont un membre du parti éponyme vient d'être élu au Parlement Européen) a délocalisé ses serveurs pour continuer à fonctionner.
L'analyse : cette affaire Pirate-Bay marque t'elle le retour des grands procès pour non-respect du droit d'auteur? On peut en douter ; cependant elle soulève bien des interrogations sur le fonctionnement d'Hadopi. Peut-on interdire l'accès à quelque chose qui n'a pas formellement été condamnée? Dont l'identité juridique n'est pas clairement établie?
Il reste néanmoins difficile d'en tirer une tendance claire à ce stade. Le mouvement pour la suppression des poursuites à l'encontre des utilisateurs de contenu illégalement acquis se structure politiquement. Il nous semble qu'une dizaine d'années pourraient être nécessaires pour y voir plus clair.
Bridgeport Music v. UMG Recordings
Le sampling et la reprise sans autorisations permettent à un petit nombre d'avocats spécialisés de très bien vivre, sans pour autant qu'un cas général ou une jurisprudence parvienne à se dégager. La condamnation de Universal et du groupe Public Announcement, sans être forcément structurante semblerait toutefois rappeler que le Sampling ne saurait être effectué avoir préalablement obtenu l'autorisation de l'auteur / composititeur.
L'analyse: Sur Internet, après la piraterie de titres, le Sampling et Mashup pourraient être le prochain casse-tête des ayants droits. Les outils de remix et de production sont désormais à la portée du grand public et le nombre de titres "mashupés" explose désormais. Bridgeport Music v. UMG Recordings
Le sampling et la reprise sans autorisations permettent à un petit nombre d'avocats spécialisés de très bien vivre, sans pour autant qu'un cas général ou une jurisprudence parvienne à se dégager. La condamnation de Universal et du groupe Public Announcement, sans être forcément structurante semblerait toutefois rappeler que le Sampling ne saurait être effectué avoir préalablement obtenu l'autorisation de l'auteur / composititeur.
La conclusion : Pour l'industrie, une opportunité significative se présente de reprendre l'initiative. En organisant et fédérant le remix, c'est toute l'industrie de la création musicale qui pourrait entrer dans une nouvelle ère. Il y a cependant fort à craindre qu'il s'agisse là d'un voeu pieux... à en juger par la totale incompréhension de ce phénomène par la plupart des patrons de majors.
Arista vs Usenet
Usenet.com a été condamné au Etats-Unis pour avoir "facilité" la violation du droit d'auteur (et du Millenium Act). Ce qui marque un tournant assez notoire avec les précédentes décisions de justice. En effet, les fournisseurs de technologies -y compris pear-to-pear, n'étaient généralement pas condamnés, dès lors qu'ils n'encourageaient pas le piratage de contenus. La cour a ici retenu les nombreux indices qui démontraient que Usenet assistait ses clients dans leurs entreprises de piratage pour finalement les condamner.
Usenet.com a été condamné au Etats-Unis pour avoir "facilité" la violation du droit d'auteur (et du Millenium Act). Ce qui marque un tournant assez notoire avec les précédentes décisions de justice. En effet, les fournisseurs de technologies -y compris pear-to-pear, n'étaient généralement pas condamnés, dès lors qu'ils n'encourageaient pas le piratage de contenus. La cour a ici retenu les nombreux indices qui démontraient que Usenet assistait ses clients dans leurs entreprises de piratage pour finalement les condamner.
Il est difficile de tirer une tendance nette de ces procès (et d'autres) récents. L'évolution semble plutôt se faire par type d'acteur :
La justice et le Législateur: il apparaît assez nettement que la volonté des pouvoirs publiques consiste à être désormais sensiblement plus pro-actifs qu'ils ne l'étaient au début de cette décénie lorsque, il est vrai, ils ne semblaient pas parvenir à comprendre grand chose aux enjeux en question (aux Etats Unis comme ailleurs). Le législateur cherche désormais à sauver l'industrie de la musique, non plus en s'en prenant à l'internaute, mais aux fournisseurs d'accès (ISP), comme c'est par exemple la recommandation de la Sacem dans le cadre de la Commission "Création et Internet". Rappelons à ce titre que jusqu'à 45% du trafic des ISP grands-public a été composé de contenus pear-to-pear.
Les internautes: il est manifeste qu'une volonté populaire forte émerge pour une redéfinition du droit d'auteur, parfois sous la forme d'une expression très structurée, à l'instar de celle du Parti Pirate, désormais représenté à Bruxelles.
Les maisons de disque: ont enfin compris que leurs comportements agressifs d'il y a quelques années les ont généralement desservies. Leur nouvelle stratégie consiste donc à mettre en avant...
les artistes: ceux-ci prennent l'initiative en innovant, et nombreux ceux qui ne peuvent que s'en féliciter, qu'ils soient des stars mondiales ou des groupes naissants.
Il semble donc que le problème du droit d'auteur soit à un tournant, concernant la musique et plus généralement. Au delà des positions extrèmes, (Jacques Attali vs Univeral...), une bonne synthèse -peut-être optimiste- consisterait à envisager un monde ou les contenus seraient plus accessibles, à moindre prix, dans de meilleures conditions, tandis que les offres illégales pourraient être moins nombreuses et plus réprimées.
Ps: En 2001, l'auteur de ces lignes avait résumé plus largement les enjeux de la propriété intellectuelle et artistique dans le post qui précède.
2 commentaires:
Merci de cet éclairage, mais quel dommage qu'il y ait autant de fautes d'orthographe
effectivement, il faut que je fasse l'effort de me relire, ce qui n'est pas toujours le cas, n'ayant qu'un temps limité pour faire ces posts.
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