samedi 18 septembre 2010

Un peu de politique, où quand les extrèmes se rejoignent...

Comme souvent lorsqu'une nouvelle loi est mise en débat en France, on assiste à des échanges plutôt passionnés entre les pro et les anti (pour éviter son équivalent anglais). Il en est ainsi du débat sur les retraites où nos élites sont, lorsqu'elles s'expriment sur le sujet, à la limite de la crise de nerf, plus particulièrement celles qui sont contre.

Hadopi ne fait pas exception à la règle. Sur ce point, le débat, commencé il y a plus de 4 ans (avec la loi DADVSI) a été et reste particulièrement passionné.
La singularité -et qui n'est que rarement relevée- de la contestation anti-hadopi est qu'elle parvient à mettre dans le même camp des courants qui sont par ailleurs radicalement opposés, en premier lieu, nos amis de UFC que Choisir, particulièrement remontés sur le sujet, aux cotés des opérateurs de télécoms, que UFC justement n'a cessé d'attaquer pour leurs pratiques commerciales. D'après une de nos relations, directeur général de l'un des trois grands opérateurs mobile UCF QueChoisir nous a certainement fait perdre des dizaines et probablement des centaines de millions d'euros à coup de procès concernant nos offres, nos conditions commerciales, notre soit-disant absence de concurrence. Ces deux là ne s'aiment donc pas trop, mais font cause commune, l'AFFA (Association Française des Fournisseurs d'accès, représentant les opérateurs de télécoms fournisseurs d'accès) ayant même été jusqu'à reprendre certains argument de UFC QueChoisir...
Le Monde syndical lui-même s'est parfois exprimé sur le sujet, outre l'apparition spontanée de revendications anti-Hadopi dans des manifestations sur les retraites par exemple, des syndicats comme SUD ou la CGT se sont régulièrement exprimés en défaveur de la loi. 
Cependant, force est de constater que les logiques qui sous-tendent l'opposition des uns et des autres ne sont pas les mêmes, loin s'en faut. 
Pour les ISP et Opérateurs, -que nous identifierons comme étant le groupe des Capitalistes établis- il existe un argument officiel, et l'autre officieux. L'officiel c'est que le coût de traitement technique serait prohibitif et à ce jour, il n'a pas été question de le compenser du moins en totalité. Les opérateurs évoquent le chiffre de 100M d'euros d'équipement et de développement pour mettre en place un détecteur de P2P efficace. D'après plusieurs experts indépendants, ceux notamment issus d'un grand systèmier militaire français qui a installé des systèmes de filtrages dans des pays peu démocratiques, ce chiffre est très largement exagéré et il serait plus proche de la quinzaine de millions d'euros. 
L'argument officieux, c'est que nos ISP ont tout simplement peur que l'Hadopi ne freine l'appétit de ce qui ne sont pas encore abonnés à l'ADSL et renchérisse donc leurs coûts de recrutements. Ce dernier argument s'évacue de lui même, car peu à peu, les ISP réalisent que l'une des seules planches de salut pour augmenter l'ARPU (ou le revenu moyen par abonné) consistera à vendre des contenus... Une baisse du P2P, qui a représenté jusqu'à 50% de la bande passante Internet n'est donc pas ou plus une damnation...
Une évolution de position dictée, on le voit, par des considérations bien pragmatiques et pécunières... Sauf peut être dans le cas de du patron du seul ISP indépendant, pour qui les réseaux doivent structurellement être le plus ouvert possible. 

Concernant les associations et syndicats, l'échiquier idéologique est extrèmement diversifié. La frange la plus importante concerne sans doute les "neo-anarchistes" bien défendus par de nombreuses associations de consommateurs (i) et des sites à vocation techniques, traitant de programmation Linux par exemple. Leur principal argument consiste à faire valoir que la culture est financièrement hors d'atteinte pour nombre de foyers et que la gratuité de fait de Hadopi n'est donc qu'un juste retour de balancier. 
Ils sont rejoints sur ce point par nombre d'association généralement classées à gauche, dont les partis politiques, PS en tête. Pour ces derniers, la démarche est plus structurée, avec une volonté de mettre en avant la Licence Globale, une taxe appliquée à l'ensemble de l'internet pour financer le contenu, ou une sorte de CNC Internet... Il y a donc une cohérence à retrouver à gauche une volonté de régularisation par l'impôt. 
Enfin, dernier groupe des Anti-Hadopi, les Libertariens, au sein desquels on retrouvera nombre de grands entrepreneurs de l'internet. Les arguements de ceux-ci sont radicalement opposés à ceux du groupe précédent mais arrivent à la même conclusion : Internet est comme l'argent, et toute entrave à sa circulation nuit au développement économique, il convient donc de laisser faire. L'industrie du contenu disparaitrait peut être, mais un grand bien en naitrait certainement. 
Il ne nous appartient pas de prendre position sur la pertinence des propos de l'un ou l'autre de ces groupes. Force est cependant de constater que Capitalistes Etablis, Neo-Anarchistes, courants de Gauche, et Libertariens ne pourrait être d'origine plus opposés. Est le signe qu'un consensus très fort émane de l'ensemble des citoyens? Il convient de rappeler que les alliances étranges ont toujours existé en politique pour le meilleur -à la libération par exemple- ou pour le pire -juste avant la seconde guerre mondiale-. La particularité de ces alliances a été de se rompre plus vite encore qu'elles ne s'étaient formées.  


(i)  Il faut cependant reconnaitre qu'une faction de UFC souhaite l'application de la Licence Globale. 






3 commentaires:

Anonyme a dit…

En tout cas, l'hénaurme ironie de la chose est que la licence globale est déjà pratiquée, mais par le biais des abonnements genre Rapidshare, hyper compétitifs certes mais dont les bénéfices servent à rendre très profitables des compagnies privées qui ne reverseront aucun kopeck aux artistes…
Ah ça, ils sont super bien défendus avec des Sacem, Sacd et autres bas du front façon syndicats "à l'américaine à l'ancienne"…
Petite pensée pour Th. Dutronc et autre Bénabar… et surtout aux pauvres dindons de cette farce.

frenchd a dit…

En tant que libertarien je ne reconnais pas la propriété intellectuelle, les droits d'auteur sont donc un faux droit. Avec HADOPI l'Etat piétine les libertés individuelles de l'internaute. Développement économique ou non cela est suffisant pour s'opposer à ce nouveau KGB du net.

Nono a dit…

"D'après plusieurs experts indépendants, ceux notamment issus d'un grand systèmier militaire français qui a installé des systèmes de filtrages dans des pays peu démocratiques, ce chiffre est très largement exagéré et il serait plus proche de la quinzaine de millions d'euros.
"

Sans vouloir faire de mauvais esprit, les grands systémiers militaires se sont rarement singularisés par le respect strict des performances annoncées, du budget prévu et des délais ....

Sans compter qu'il est symptomatique de prendre comme modèle des "pays peu démocratiques" pour dire que oui, on peut appliquer le filtrage. C'est vrai qu'une dictature est toujours un modèle idéal à suivre, surtout quand il s'agit de privatiser la puissance publique au profit d'intérêts privés.

Et la typologie des pro-hadopi, c'est quoi?

Les incompétents, ceux qui ne connaissent rien à la technique?

les dictateurs, qui veulent un contrôle absolu du net à leur profit?

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