Jiwa a donc connu le destin funeste des 5 à 10% des start-up qui ne parviennent à trouver de modèle économique dans les 36 mois qui suivent leur fondation. Insuffisament capitalisée, partie nettement plus tard que le leader, disposant d'une offre difficilement dicernable de celle de ses concurrents, mais surtout en conflit récurrent avec les maisons de disques et non des moindres)... Tout cela faisait un peu trop à porter à la fois. Depuis près d'un an, les acteurs du milieu s'interrogeait d'ailleur sur les chances de survie de la société.
Il y a donc du mouvement dans le domaine des fournisseurs de musique en streaming ; Deezer s'est adossé à France Telecom (voir notre précédent post), Spotify est toujours à la recherche de 50M d'euros, et Jiwa... disparait. La vraie bonne nouvelle concerne Beezik, succès incroyable et détonnant dans cet univers : il se murmure que la start-up apicole pourrait faire un chiffre d'affaire très conséquent cette année, de l'ordre de la demi-dizaine de millions d'euros. En volume, elle aurait même dépassé Itunes sur les singles. Beezik ne devrait d'ailleur pas s'arrêter là et il n'est pas interdit de penser qu'elle puisse devenir un business model de référence à travers l'Europe, dans les trimestres et années à venir.
De tout ceci, on peut tirer deux enseignements essentiels :
Le premier concerne le business de la musique en général : il ne faut pas se leurer, ceux-là même -Deezer et consors- qui ont développé des services d'écoute gratuits se sont, d'une manière ou d'une autre, tirés une balle dans le pied. Certes, c'était la condition nécessaire pour créer un trafic dont une sous-partie pourrait être monétisée, mais cela a largement renforcé le sentiment que la musique ne serait plus jamais payante.
Symptomatiquement, les grands sites américains de musique, généralement en pointe concernant les nouveaux modèles économiques, n'ont pas vraiment suivi. Nombre d'interlocuteurs de haut niveau dans les maisons de disques ou au sein même des plus grandes start-up américaine n'ont eu de cesse de questionner les français les plus emblèmatiques dans le monde de l'internet sur le thème "what the hell, you guys are doing?". A ce jour, ils ne comprennent toujours pas.
Le retour a la réalité est plutôt difficile, avec moins de 25,000 abonnés, Deezer n'a pas transformé 1% de ses utilisateurs... très loin des taux généralement constatés dans le "Freemium" (les business model alternant services gratuits et payants) qui, à l'instar de Plaxo, Viadeo "transforment" jusqu'à 5% de leurs utilisateurs.
L'autre enseignement n'est pas moins intéressant.
Beezic, en prenant une voie particulièrement originale -offrir une audience attentive et qualifiée aux annonceurs- a réussi à renouveler totalement le format publicitaire. Certes dans ce cas, la gratuité est au coeur du modèle, mais la beauté consiste à avoir sû s'affranchir du systéme publicitaire basique, hérité de la radio, pour monter en gamme. L'auditeur doit a présent justifier son salaire -musical- en regardant avec attention (on ne peut pas couper le son) une publicité avant de pouvoir télécharger le titre de son choix. En conséquence, le revenu publicitaire moyen par auditeur a simplement explosé et la gratuité devient ainsi justifié. Le développement du modèle a une plus vaste échelle ne pouvant que profiter plus encore à Beezic, qui élargira l'inventaire tout en massifiant l'audience. Beezic a donc réussi à créer une contrepartie de valeur à la gratuité, et il semble que tous les acteurs -annonceur, auditeurs, maison de disques- y trouvent leurs comptes et c'est une première.